Frères et soeurs d’un même Ordre, fondé par Saint Dominique de Guzmán (1170-1221), les Dominicains et Dominicaines sont présents dans le monde entier. Unies par un même esprit, une même volonté d’annonce du salut, les communautés ont néanmoins chacune leur visage propre, selon le pays, l’apostolat et la composition de la communauté. Tout d’abord, Dominique est poussé à fonder un Ordre de Prêcheurs parcequ’il y a cette ouverture du coeur aux autres, cette compassion puisée dans l’amour de Dieu. Dominique est saisi par la miséricorde d’un Dieu qui veut le salut de tous les hommes. Sa compassion s’arrête à toute souffrance, tant corporelle que spirituelle.
Il y a en Suisse de nombreux couvents qui relèvent de plusieurs congrégations. On y compte aussi quelques monastères. La fondation de celui d’Estavayer-le-Lac, suivie d’autres, remonte à 1280. Quant aux frères, leurs communautés forment l’une des 43 provinces de l’Ordre. En Suisse romande, les premiers dominicains arrivèrent à Lausanne en 1234, puis à Genève en 1263, enfin à Coppet en 1490.
Aujourd’hui frères et soeurs recherchent de nouvelles formes de travail commun, une complémentarité qui permette d’annoncer l’Evangile à tous les hommes et à l’homme tout entier.
Pour plus de détails sur les Dominicains, consultez le site officiel : www.dominicains.ch
Fr. Clau Lombriser
16 mai 1947 – 2 septembre 2017
Le premier et le dernier appel – Igl emprem ed il davos clom
C’est le titre de l’avant-dernière deux colonne que notre cher frère Clau a écrite pour la « Quotidiana » qui est parue le 18 juillet de cette année alors qu’il était déjà gravement malade. Dans celle-ci, il compare l’appel de sa mère quand elle le réveillait le matin à l’époque de sa scolarité : « Clau ! », avec l’appel que Dieu lui adressera à la fin de sa vie : « Clau ! ». Il espère que Dieu reprendra la voix aimante de sa mère qui l’avait réveillée chaque matin en l’appelant de son nom: « Clau ! ». Avec cela, il nous a lui-même donné le mot-clé et le contenu de la prédication de sa messe d’enterrement : C’est le chemin de sa vie du premier appel de Dieu jusqu’à son dernier : « Clau ! ». C’est donc, pour ainsi dire, lui-même qui vous parle maintenant, chers frères, chères sœurs.
Le premier appel de Dieu
Clau commence son article dans la « Quotidiana », d’une manière si caractéristique pour lui, avec des observations sur les lieux-dits intéressants de la région de la Surselva, pour en venir « au tout début », à la Création du monde, là où Dieu a donné pour la première fois un nom aux choses nouvellement créées. Dieu a donné un nom personnel à tout ce qu’il a créé, et c’est un bon nom, comme le montre la lecture du livre du Prophète Isaïe (62, 1-4) dans lequel se trouvent les noms que Dieu utilise pour qualifier sa ville Sainte : « Letizia, Spusa“, « Epouse joyeuse », « Fiancée heureuse ». C’est seulement par le nom personnel que Dieu nous donne que nous sommes des créatures achevées et que nous sommes pleinement nous-mêmes.
Le Père Clau a reçu le nom de « Clau », Nicolas, de ses parents. Les hommes devaient l’appeler par ce nom, tout comme Dieu l’a aussi appelé par ce nom. Saint Nicolas de Myre avec sa grande compassion pour les enfants pauvres et abandonnés ainsi que frère Nicolas de Flüe, qui a été canonisé en 1947, en l’année de naissance du frère Clau, étaient ainsi ses patrons. Ces deux grands saints devaient le prendre sous leur garde et le marquer par leur exemple. La chapelle à côté de la maison parentale à Runs près de Rabius est consacrée à Saint Nicolas de Myre. Là, sur l’autel, se trouve une statue, touchante par sa simplicité, de l’évêque de Myre, qui fut vénéré depuis des générations dans sa famille.
Le second appel
Probablement peu de temps après, son Créateur l’appela à nouveau. Ce fut durant son enfance et sa jeunesse. Clau avait trois grands-tantes et un grand-oncle qui étaient nés et avaient grandi au début du siècle passé avec leurs quatre autres frères et sœurs à Compadials dans la Surselva. Trois de ces sœurs sont entrées, ici, dans la communauté des Dominicaines d’Ilanz vers 1900. Après la première guerre mondiale, l’une d’elles, Sœur Carmelina, partit avec la mission des Dominicaines d’Ilanz en Chine. Là-bas, elle mourut jeune en 1924. Son frère cadet, le grand-oncle de Clau, Modest Clau Paly, dont le nom de religieux était Ludwig Maria était entré chez les frères Prêcheurs en Allemagne. En 1922, il devint également missionnaire pour la mission des sœurs en Chine. Selon son biographe, il fut pris en otage par des insurgés entre le mois de mai et le mois d’août 1933. Ils réclamaient une rançon. Puis il a été tué ; il fut le premier martyr de cette mission en Chine. Dans sa famille, le jeune Clau entendit parler de ces événements, et les comprit comme un appel pour lui, semblable à celui que Jésus adresse à l’homme riche de l’Evangile (Mc 10, 17-23). Celui-ci se sentit attiré par Jésus, mais il hésita. Il vit la beauté du chemin à la suite de Jésus et de la communion avec Lui. Mais alors le souvenir de sa fortune assombrit son attrait. Il se détourna et s’éloigna. Nous avons tous ici le sentiment que Clau, contrairement au jeune homme riche, s’est laissé toucher par cette beauté de la communion avec le Christ, par toutes les forces de son âme, de son esprit et de sa sensibilité. Ce fut la grâce de son appel.
En 1974, cet appel envoya le jeune Clau au noviciat des Dominicains à Fribourg, d’où il alla ensuite au Rwanda, à Kigali après avoir prononcé ses vœux solennels le 1er février 1978 et après avoir été ordonné prêtre à Rabius le 27 mars de cette même année. Le départ en mission fut son propre souhait. Là-bas, les frères Prêcheurs canadiens et suisses avaient une mission en commun. Clau fut toujours discret à propos de lui-même. Lorsqu’il vint à nous – sans que nous y étions préparés– pour demander son accueil dans l’Ordre, il n’indiqua peut-être pas ses raisons personnelles les plus intimes. Ce fut seulement progressivement qu’il révélait le secret de la vie et de la mort son grand-oncle et des sœurs de celui-ci. Ce souvenir était probablement à l’origine de sa décision d’œuvrer dans l’Ordre en tant que missionnaire.
Le Christ a appelé Clau à son service pour être Prêcheur, enseignant et prêtre. Clau a entendu et accepté cet appel dans sa vie. Avec tous les dons de son cœur et de son esprit, il s’est livré à lui. Durant toute sa vie, il est resté lié à l’Afrique où son ministère de Frère Prêcheur et de prêtre avait commencé.
Troisième appel
Une fois rentré d’Afrique, frère Clau fut aumônier d’hôpital, ici, à Ilanz de 1989 à 1995. A cette époque, il a aussi prêché dans tout Surselva et au-delà, dans beaucoup d’autres apostolats. En 1995, il est devenu le curé des fidèles de la mission catholique francophone de Zürich. Dieu lui a donné la grâce de remplir cette tâche durant dix-sept ans dans la joie et avec une grande créativité. Ce n’était vraiment pas un « homme de routine ». Il avait le souci des hommes et un vif intérêt pour les faits sociaux. En tout, il voyait des possibilités d’action et d’innovation s’ouvrant à l’observateur attentif et imaginatif qu’il était.
Les personnes de langue française qui sont ici présentes et qui ont connu le Frère Clau à la mission de Zürich savent quels dons d’amitié, d’intuition, de finesse le Frère Clau a reçus du Seigneur et comment il les a déployés au service de leur communauté. Il était heureux dans ce poste où il était au contact avec tant de personnes venues d’horizons complètement divers. “Les pages du curé” en sont un témoignage éloquent et attachant. Mais Dieu seul sait les fruits de ce grand dévouement.
Il a dû démissionner à l’âge de soixante-cinq ans, mais uniquement pour prendre en charge la formation des jeunes frères à St Hyacinthe à Fribourg. Dans cette fonction aussi, il fut innovant et imaginatif jusque tout au bout de sa maladie.
Un ultime et grand appel
Le frère Clau a été surpris par un dernier grand appel de Dieu la veille de son 70ème anniversaire, le 16 mai 2017, lorsqu’il reçut le diagnostic de sa grave maladie. Il a tout de suite vu ce qui se préparait pour lui, car il avait accompagné le départ de notre frère Franz Müller à Zürich qui avait souffert de la même maladie et devait en mourir en peu de temps.
Dans son article dans la « Quotidiana » : « Le premier et le dernier appel », qu’il a écrit alors qu’il était déjà malade, on trouve exprimée une espérance d’une merveilleuse et tendre poésie. Elle transmet quelque chose de sa riche sensibilité. Là, le frère Clau espère en effet que le dernier appel de Dieu sera aussi doux et sonnera aussi délicatement que celui que lui avait adressé sa maman pour le réveiller alors qu’il était enfant : « Clau ! ».
Ainsi, cet article est devenu un témoignage mémorable de son espérance confiante que Dieu l’appellera avec un tendre amour quand il devra quitter cette vie, en l’appelant par son nom: « Clau ! ». Nous pouvons seulement prier pour nous aussi, que lors de notre départ de ce monde et malgré les peurs de l’heure de la mort, nous éprouvions quelque chose de cette même espérance : que le Christ, dans son amour, nous appellera nous aussi par notre nom, comme le fait une mère quand elle réveille doucement son enfant.
Homélie du frère Adrian Schenker aux funerailles de frère Clau le 6 septembre 2017 à l’église du monastère des dominicaines d’Ilanz (trad. Alexandre Frezzato)
Pour l’hommage à fr. Clau de la part des paroissiens de la Mission, aller à la page Retour sur le passé.